Page:Vignier - Album de vers et de prose, 1888.djvu/4

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Voici tomber chauds et lourds
Les flots où tout esprit sombre,
Les flots du silence, sombre
Velours.

Viens, je connais tel vieux rite !
D’étranges étreintes sont,
Où maint débile frisson
S’irrite.


AUTOMNE

 
Vague comme un contour de brume qui s’élève,
Au fond du bois morose, un faune alourdi d’ans,
Erre mélancolique et regrettant son rêve.
Les yeux encore empreints de souvenirs ardents,

De triomphants décors, de teintes de féeries,
D’or ruisselant parmi les sauvages toisons
Des nymphes folâtrant en blanches théories,
Ayant gardé le goût de leurs lèvres, tisons

Qui mirent sur sa chair leur trace indélébile.
Il hume avidement, dans l’air veuf de parfums,
Les confuses senteurs, que sa mémoire habile
Ranime aux rameaux secs des bocages défunts…

… Cruelles visions, enivrantes bouffées
D’insaisissable arôme, enlacements divins
De pâles incarnats !… Oh ! vous, mirages fées
Dont les enchantements, comme des flots de vins.

Effaçaient par instant mes grises nostalgies,
Pourquoi vous perdé-je à jamais ! Pourquoi le vent
A-t-il exorcisé vos riantes magies
Sous le glacé contact d’un baiser décevant ?