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ROMÉO ET JULIETTE

ou

LES AMANTS DE VÉRONE ET D’AILLEURS




La chambre de Juliette après la nuitée. Mise en scène de rigueur, lit pâmé, odeurs très compliquées. Roméo vient de tirer les rideaux. Sur la cheminée, des cires polychromes, et, fichés aux parois quelques gravures, des pastels impressionnistes.

Roméo adossé contre un meuble, boutonne sa redingote selon le procédé classique. Nerveux, un peu, il roule une cigarette, l’allume, passe sa main dans ses cheveux, toussotte, tente quelques pas, s’empêtre dans des vêtements gisants, grommelle, sacre. De Juliette insoupçonnée jusqu’alors, la tête émerge du lit :

Juliette. — À qui en as-tu, mon ami ?

Roméo (indigné, désignant le mur). — Ce que c’est idiot, ces pastels. En voilà une idée burlesque d’accrocher là ces machines. (Méprisant). Tu goûtes cette peinture, toi ?

Juliette. — Oui, c’est bizarre, c’est…

Roméo. — Ô ! malice ! c’est moi qui te l’ai dit.

Juliette (un peu acerbe). — Crois-tu ? Mettons que tu m’aies dit que c’était bizarre ; je ne te célerai point que ce jugement me semble un peu vague.

Roméo. — Bien ! Bien ! Fais de la critique d’art, maintenant, il ne te manquait guère que cela.

Juliette (sur son séant, d’un ton de reproche). — Roméo ! Roméo !