Page:Vignon - Un drame en province - La Statue d Apollon.djvu/24

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certes, si quelqu’un l’eût vue, lorsqu’elle fut à cent pas du pont-levis et seule au milieu d’un chemin désert, si quelqu’un l’eût vue aspirer l’air, d’abord avec un sentiment de délivrance, puis s’arrêter, s’asseoir et demeurer les yeux tournés vers la terre avec une expression sombre et désespérée, on eût pensé qu’elle souffrait des douleurs inconnues et terribles.

C’était une femme de trente-huit à quarante ans. Belle encore, comme je l’ai dit plus haut, mais non pas de cette beauté artificielle des Parisiennes, qui savent, à quarante ans, se faire jeunes filles au besoin, et retrouver une candeur, une innocence, une grâce juvéniles, à force de soins, de cosmétiques et de tulle illusion. — Belle d’une beauté de matrone romaine : de grands yeux bleus limpides surmontés de sourcils bruns ; des traits purs, des dents blanches, des cheveux châtains abondants, mais çà et là semés de fils d’argent, que nul artifice ne cherchait à dissimuler ; une taille un peu alourdie, mais toujours élégante ; une toilette simple et d’un goût sévère, — telle était la marquise de Fayan. J’oublie de dire qu’elle avait une admirable main, et une de ces peaux éblouissantes d’éclat et de fraîcheur, que la province seule sait conserver ; une peau que la maturité de l’âge, au lieu de la