Page:Vignon - Un drame en province - La Statue d Apollon.djvu/279

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le reste est comme la glèbe où nous sommes attachés ici-bas. Et, si le pauvre serf pouvait dérober parfois une heure de liberté, devrait-il donc y renoncer ?… »


XXXVI


La barque glissait toujours en suivant les côtes de Porto-Venere.

Déjà on avait dépassé la source d’eau douce que viennent voir les touristes ; Mme de Morelay jetait un dernier regard d’envie sur les villas qui échelonnent leurs terrasses jusqu’à la mer et enclavent, sous les arbres de leurs jardins, un golfe en miniature ; aux villas succédèrent bientôt de pauvres maisons de pêcheurs… puis des rochers nus et sombres… des rochers de ce marbre rouge veiné de jaune, que nous appelons portor. Ils descendent à pic dans des flots si purs, qu’on peut suivre les veines du marbre à des brasses de profondeur. L’eau n’a depuis le commencement des siècles ni rongé, ni terni le marbre. Çà et là, des blocs dorment dans la mer et forment comme des récifs.

On eût dit que la barque était fée, tant elle savait se frayer sa route sans heurter un écueil…

Le soleil, près de disparaître à l’horizon, rasait la