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ÉLOA.

Franchit les rocs moussus, dans les gouffres s’élance,
Pour passer le torrent aux arbres se balance,
Tombe avec un pied sûr, et s’ouvre des chemins
Jusqu’à la neige encor vierge des pas humains.
Mais bientôt s’égarant au milieu des nuages,
Il cherche les sentiers voilés par les orages ;
Là, sous un arc-en-ciel qui couronne les eaux,
S’il a vu dans la nue, et ses vagues réseaux,
Passer le plaid léger d’une Écossaise errante,
Et s’il entend sa voix dans les échos mourante,
Il s’arrête enchanté, car il croit que ses yeux
Viennent d’apercevoir la sœur de ses aïeux,
Qui va faire frémir, ombre encore amoureuse,
Sous ses doigts transparents la harpe vaporeuse ;
Il cherche alors comment Ossian la nomma,
Et debout sur sa roche appelle Évir-Coma.
Non moins belle apparut, mais non moins incertaine,
De l’Ange ténébreux la forme encor lointaine,