Page:Vigny - Héléna, 1822.djvu/130

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Des péchés tant proscrits où toujours l’on succombe,
Aucun n’a séparé : mon berceau de ma tombe,
Quand les vivans au jour montraient des attentats,
Mon enfance au cachot ne les soupçonnait pas.
Du récit de mes maux vous êtes bien avide :
Pourquoi venir fouiller dans ma mémoire vide,
Où stérile de jours le temps dort effacé ?
Je n’eus point d’avenir et n’ai point de passé ;
J’ai tenté d’en avoir, et long-temps mes journées
Ont tracé sur les murs mes lugubres années ;
Mais je ne pus les suivre en leurs douloureux course :
Les murs étaient remplis et je vivais toujours.
Tout me devint alors obscurité profonde ;
Je n’étais rien pour lui, qu’était pour moi le monde ?
Que n’importaient des temps où je ne comptais pas
L’heure que j’invoquais : c’est l’heure du trépas.
Écoutez, écoutez : quand je tiendrais la vie
De l’homme qui toujours tint la mienne asservie,
J’hésiterais, je crois, à le frapper des maux
Qui rongèrent mes jours, brûlèrent mon repos ;
Quand le règne inconnu d’une impuissante ivresse
Saisit mon cœur oisif d’une vague tendresse,