Page:Vigny - Héléna, 1822.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« De mes pas curieux. Lorsque seule, égarée,
« Sous un pudique voile, aux rives du Pirée,
« J’allais, de Thémistocle invoquant le tombeau,
« Rêver un jeune époux, fidèle, illustre et beau,
« Couple fier et joyeux, de nos temples antiques,
« Nous aurions d’un pas libre admiré les portiques ;
« Mes destins bienheureux ne seraient plus rêvés,
« Et sur les murs deux noms auraient été gravés ;
« Mon sein aurait connu les douceurs maternelles,
« Et, comme sur l’oiseau sa mère étend ses ailes,
« J’eusse élevé les jours d’un jeune Athénien,
« Libre dès le berceau, dès le berceau chrétien.
« Mais d’où me vient encor ce regret de la vie ?
« Ma part dans ces trésors m’est à jamais ravie :
« Comment autour de moi se viennent-ils offrir ?
« Devrait-elle y penser, celle qui va mourir ?
« Hélas ! je suis semblable à la jeune novice
« Qui change en voile noir et les fleurs, son délice,
« Et les bijoux du monde, et, prête à les quitter,
« Les touche et les admire avant de les jeter.
« Des maux non mérités je me suis étonnée,
« Et je n’ai pas compris d’abord ma destinée :