Page:Vigny - Héléna, 1822.djvu/83

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Tu pars ; et cependant m’as-tu toujours haï,
Symétha ? Non, ton cœur quelquefois s’est trahi ;
Car, lorsqu’un mot flatteur abordait ton oreille,
La pudeur souriait sur ta lèvre vermeille :
Je l’ai vu, ton sourire aussi beau que le jour ;
Et l’heure du sourire est l’heure de l’amour.
Mais le flot sur le flot en mugissant s’élève,
Et voile à ma douleur le vaisseau qui t’enlève.
C’en est fait, et mes pieds déjà sont chez les morts ;
Va, que Vénus, du moins, t’épargne le remords :
Lie un nouvel hymen ! va, pour moi, je succombe ;
Un jour, d’un pied ingrat, tu fouleras ma tombe,
Si le destin vengeur te ramène en ces lieux,
Ornés du monument de tes cruels adieux. »

Dans le port du Pyrée, un jour fut entendue
Cette plainte innocente, et cependant perdue ;
Car la vierge enfantine, auprès des matelots,
Admirait, et la rame, et l’écume des flots ;
Puis, sur la haute poupe accourue et couchée,
Saluait, dans la mer, son image penchée,