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LES DESTINÉES.


Vestale aux feux éteints ! les hommes les plus graves
Ne posent qu’à demi ta couronne à leur front ;
Ils se croient arrêtés, marchant dans tes entraves,
Et n’être que poëte est pour eux un affront.
Ils jettent leurs pensers aux vents de la tribune,
Et ces vents, aveuglés comme l’est la fortune,
Les rouleront comme elle et les emporteront.

Ils sont fiers et hautains dans leur fausse attitude ;
Mais le sol tremble aux pieds de ces tribuns romains.
Leurs discours passagers flattent avec étude
La foule qui les presse et qui leur bat des mains ;
Toujours renouvelé sous ses étroits portiques,
Ce parterre ne jette aux acteurs politiques
Que des fleurs sans parfums, souvent sans lendemains.