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poèmes antiques et modernes

Comme une veuve auprès de son fils immolé[1] ;
Ses cheveux dénoués sont épars ; rien n’arrête
Les sanglots de son sein qui soulèvent sa tête.
Éloa vient et pleure ; ils se parlent ainsi[2] :



« Que vous ai-je donc fait ? Qu’avez-vous ? me voici.
— Tu cherches à me fuir, et pour toujours peut-être[3].
Combien tu me punis de m’être fait connaître !
— J’aimerais mieux rester ; mais le Seigneur m’attend.
Je veux parler pour vous, souvent il nous entend[4].
— Il ne peut rien sur moi, jamais mon sort ne change[5],
Et toi seule es le Dieu qui peut sauver un Ange.
— Que puis-je faire ? hélas ! dites, faut-il rester[6] ?
— Oui, descends jusqu’à moi, car je ne puis monter.
— Mais quel don voulez-vous ? — Le plus beau, c’est nous-mêmes[7]
Viens. — M’exiler du Ciel ? — Qu’importe, si tu m’aimes[8] ?
Touche ma main. Bientôt dans un mépris égal[9]

  1. Amos, VIII, 10 : Je plongerai Israël dans les larmes, comme une mère qui pleure son fils unique.
  2. Var : M1, Éloa se décide (1er  corr. : se rapproche 2e corr. : lui revient 3e corr. : vient et pleure),
  3. Var : M1, Hélas ! tu veux (corr. : tu cherches à) me fuir,
  4. Var : M1, Je parlerai (corr. : Je veux parler) pour vous, toujours il nous entend.
  5. Var : M1, 1er  main, Il ne peut rien, crois moi, pour que mon destin change, 2e main, texte actuel.
  6. Var : O, A, due puis-je faire, hélas 1 dites, faut-il rester ?
  7. Var : M1, 1er  main, Mais je t’appartiendrai. — Je t’appartiens moi-même, 2e main, texte actuel.
  8. Var : M1, Mais je ferai bien (corr. : Mais aurai-je fait) mal ? O, ciel
  9. Var v. 251-232 : M1, Dis : je t’aime, et (corr. : Touche ma main) bientôt sous (corr. : dans) un mépris égal | S’effaceront (corr. : Se confondront) pour nous