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Page:Vigny - Poèmes antiques et modernes, éd. Estève, 1914.djvu/182

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LE MALHEUR[1]


La pièce est retranchée dans A, B.

Sous-titre : P1, Ode.


Suivi du Suicide impie,
À travers les pâles cités,
Le Malheur rôde, il nous épie,
Près de nos seuils épouvantés.
Alors il demande sa proie ;
La jeunesse, au sein de la joie.
L’entend, soupire et se flétrit ;
Comme au temps où la feuille tombe.
Le vieillard descend dans la tombe,
Privé du feu qui le nourrit.

  1. Schiller, La Fiancée de Messine, (cité par Madame de Staël, De l’Allemagne, IIe partie, ch. XIX) : Le Chœur : De tout côté le malheur parcourt les villes. Il erre en silence autour des habitations des hommes : aujourd’hui c’est à celle-ci qu’il frappe, demain c’est à celle-là ; aucune n’est épargnée. Le messager douloureux et funeste tôt ou tard passera le seuil de la porte où demeure un vivant. Quand les feuilles tombent dans la saison prescrite, quand les vieillards affaiblis descendent dans le tombeau, la nature obéit en paix à ses antiques lois, l’homme n’en est point effrayé : mais sur cette terre, c’est le malheur imprévu qu’il faut craindre. Le meurtre, d’une main violente, brise les liens les plus sacrés, et la mort vient enlever dans la barque du Styx le jeune homme florissant. Quand les nuages amoncelés couvrent le ciel de deuil, quand le tonnerre retentit dans les abîmes, tous les cœurs sentent la force redoutable de la destinée ; mais la foudre peut partir des hauteurs sans nuages, et le malheur s’approche comme an ennemi rusé, au milieu des jours de fête.