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poèmes antiques et modernes

Un mot de repentir, un mot de votre foi[1],
Le Seigneur vous pardonne.

le mourant.

Ô prêtre ! laissez-moi !

le prêtre.

Dites : Je crois en Dieu. La mort vous est ravie.

le mourant.

Laissez en paix ma mort, on y laissa ma vie.
— Et d’un dernier effort l’esclave délirant
Au mur de la prison brise son bras mourant.
« Mon Dieu ! venez vous-même au secours de cette âme ! »
Dit le prêtre, animé d’une pieuse flamme.
Au fond d’un vase d’or, ses doigts saints ont cherché
Le pain mystérieux où Dieu même est caché :
Tout se prosterne alors en un morne silence[2].
La clarté d’un flambeau sur le lit se balance ;
Le chevet sur deux bras s’avance supporté,
Mais en vain : le captif était en liberté.

  1. Var : M, un mot de notre foi,
  2. Chateaubriand, Atala : Le solitaire, se levant d’un air inspiré et étendant les bras vers la voûte de la grotte : « Il est temps, s’écria-t-il, il est temps d’appeler Dieu ici ! » À peine a-t-il prononcé ces mots qu’une force surnaturelle me contraint de tomber à genoux, et m’incline la tête au pied du lit d’Atala. Le prêtre ouvre un lieu secret où était enfermée une urne d’or couverte d’un voile de soie ; il se prosterne, et adore profondément… Le prêtre ouvrit le calice ; il prit entre ses deux doigts une hostie blanche comme la neige et s’approcha d’Atala en prononçant des mots mystérieux… Ses lèvres s’entr’ouvrirent, et vinrent avec respect chercher le Dieu caché sous le pain mystique.