Tous posent un bras fort sur une longue épée,
Dans le sang des Saxons neuf fois par eux trempée ;
Par trois vives couleurs se peint sur leurs écus
La gothique devise autour des rois vaincus.
Sous les triples piliers des colonnes moresques,
En cercle sont placés des soldats gigantesques,
Dont le casque fermé, chargé de cimiers blancs,
Laisse à peine entrevoir les yeux étincelants.
Tous deux joignant les mains, à genoux sur la pierre.
L’un pour l’autre en leur cœur cherchant une prière,
Les beaux enfants tremblaient, en abaissant leur front
Tantôt pâle de crainte ou rouge de l’affront.
D’un silence glacé régnait la paix profonde.
Bénissant en secret sa chevelure blonde.
Avec un lent effort, sous ce voile, Éginard
Tente vers sa maîtresse un timide regard[1].
Sous l’abri de ses mains Emma cache sa tête,
Et, pleurant, elle attend l’orage qui s’apprête[2] :
Comme on se tait encore, elle donne à ses yeux
À travers ses beaux doigts un jour audacieux.
L’Empereur souriait en versant une larme,
Qui donnait à ses traits un ineffable charme ;
Il appela Turpin, l’évêque du palais,
Et d’une voix très douce il dit : Bénissez-les.
Page:Vigny - Poèmes antiques et modernes, éd. Estève, 1914.djvu/217
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
183
moïse