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poèmes antiques et modernes
J’ai fait pleuvoir le feu sur la tête des rois[1] ;
L’avenir à genoux adorera mes lois[2] ;
Des tombes des humains j’ouvre la plus antique,
La mort trouve à ma voix une voix prophétique[3],
Je suis très grand, mes pieds sont sur les nations,
Ma main fait et défait les générations. —
Hélas ! je suis, Seigneur, puissant et solitaire,
Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre !
Hélas ! je sais aussi tous les secrets des cieux,
- ↑ Exode, IX, 25 : Moïse ayant levé sa verge vers le ciel, le Seigneur fit fondre la grêle sur la terre au milieu des tonnerres et des feux…
- ↑ Ce vers résume tout le sens du chapitre Du Décalogue dans le Génie du ChrisHanisme, lequel élève au-dessus des lois de Minos et de Lycurgue, effort « de cette antique sagesse des temps, si fameuse », les lois de Moïse, « ces préceptes divins » : Lois de Dieu, conclut Chateaubriand, que vous ressemblez peu à celles des hommes ! Éternelles comme le principe dont vous êtes émanées, c’est en vain que les siècles s’écoulent ; vous résistez aux siècles, à la persécution et à la corruption même des peuples.
- ↑ M. E. Dupuy regarde ces deux vers comme une imitation de Byron, Manfred, II, 2 : Dans mes courses solitaires, je m’enfonçai jusque dans les cavernes de la mort… Je puis évoquer les morts, et leur demander en quoi consiste ce que nous avons horreur d’être. — J’ai proposé d’y voir une réminiscence de deux versets bibliques ; Exode, XIII, 19 et Ecclésiastique, XLIX, 18 : Et Moïse emporta aussi avec lui les os de Joseph, selon que Joseph l’avait fait promettre avec fermeté aux enfants d’Israël en leur disant : Dieu vous visitera, emportez d’ici mes os avec vous. | Nul n’est né sur la terre comme Enoch,… ni comme Joseph… Ses os ont été conservés avec soin, et ont prophétisé après sa mort. — M. Brandenburg et M. Riehm allèguent des textes, Ezéchiel, XXXVII, 12-13, — ou Saint Paul, Ép. aux Romains, V, 1214, et 1er Ép. aux Corinthiens, XV, 21-22, — ou Luc, XX, 37-38, qui ne peuvent être rapprochés du passage de Vigny que par le détour d’une interprétation compliquée et subtile. — Gaston Paris (Bulletin de la Société des Humanistes français, I 1897, p. 243) supposait que le poète avait voulu faire allusion « à quelque légende orientale d’après laquelle Moïse aurait évoqué Abel, ou peut-être Adam, et aurait obtenu de lui une réponse concernant l’avenir ». — Aucune de ces explications ne parait décisive.