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poèmes antiques et modernes


« Sois à moi, sois ma sœur ; je t’appartiens moi-même ;
» Je t’ai bien méritée, et dès longtemps je t’aime,
» Car je t’ai vue un jour. Parmi les fais de l’air
» Je me mêlais, voilé comme un soleil d’hiver[1][2].
» Je revis une fois l’ineffable contrée,
» Des peuples lumineux la patrie azurée,
» Et n’eus pas un regret d’avoir quitté ces lieux
» Où la crainte toujours siège parmi les Dieux[3].
» Toi seule m’apparus comme une jeune étoile
» Qui de la vaste nuit perce à l’écart le voile[4][5] ;
» Toi seule me parus ce qu’on cherche toujours,
» Ce que l’homme poursuit dans l’ombre de ses jours,
» Le Dieu qui du bonheur connaît seul le mystère,
» Et la Reine qu’attend mon trône solitaire.
» Enfin, par ta présence, habile à me charmer,
» Il me fut révélé que je pouvais aimer.



« Soit que tes yeux, voilés d’une ombre de tristesse,
» Aient entendu les miens qui les cherchaient sans cesse,
» Soit que ton origine, aussi douce que toi,
» T’ait fait une patrie un peu plus près de moi.

  1. Milton, P. P., I, 594 : Comme lorsque le soleil, nouvellement levé, chauve de rayons, regarde à travers la brume de l’horizon…
  2. Var : M1, Où je pensais (corr. : je me mêlais) O, A, Soleil
  3. Var : M, O, A, parmi des Dieux.
  4. Moore, A. d. A., p. 48 : Les nuages d’automne qui retiennent les éclairs prêts à s’échapper de leurs flancs, pour laisser briller une jeune étoile…
  5. Var : M1, 1er main, Qui d’un nuage errant 2e main, texte actuel.