Page:Vigny - Servitude et grandeur militaires, 1885.djvu/117

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faux-bourdon, me faisait apprendre un vieux solfège. Quand il était content, il me pinçait les joues à me les rendre bleues, et me disait : « Tiens, Mathurin, tu n’es que le fils d’un paysan et d’une paysanne ; mais si tu sais bien ton catéchisme et ton solfège, et que tu renonces à jouer avec le fusil rouillé de la maison, on pourra faire de toi un maître de musique. Va toujours. » Cela me donnait bon courage, et je frappais de tous mes poings sur les deux pauvres claviers, dont les dièses étaient presque tous muets.

Il y avait des heures où j’avais la permission de me promener et de courir ; mais la récréation la plus douce était d’aller m’asseoir au bout du parc de Montreuil, et de manger mon pain avec les maçons et les ouvriers qui construisaient sur l’avenue de Versailles, à cent pas de la barrière, un petit pavillon de musique, par ordre de la Reine.

C’était un lieu charmant, que vous pourrez voir à droite de la route de Versailles, en arrivant. Tout à l’extrémité du parc de Montreuil au milieu d’une pelouse de gazon, entourée de grands arbres, si vous distinguez un pavillon qui ressemble à une mosquée et à une bonbonnière, c’est cela que j’allais regarder bâtir.

Je prenais par la main une petite fille de mon âge, qui s’appelait Pierrette, que monsieur le curé faisait chanter aussi parce qu’elle avait une jolie