Page:Vigny - Servitude et grandeur militaires, 1885.djvu/139

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— « Ah ! la voilà, » dit la Reine d’un air de fête, et elle courut lui prendre les deux mains.

« Comme elle est fraîche, comme elle est jolie ! Le joli petit modèle que cela fait pour vous ! Allons, ne la manquez pas, madame de Lamballe ! Mets-toi là, mon enfant. »

Et la belle Marie-Antoinette la fit asseoir de force sur une chaise. Pierrette était tout à fait interdite, et sa chaise si haute que ses petits pieds pendaient et se balançaient.

* * * * *

— « Mais voyez donc comme elle se tient bien, continuait la Reine, elle ne se fait pas dire deux fois ce que l’on veut ; je gage qu’elle a de l’esprit. Tiens-toi droite, mon enfant, et écoute-moi. Il va venir deux messieurs ici. Que tu les connaisses ou non, cela ne fait rien, et cela ne te regarde pas. Tu feras tout ce qu’ils te diront de faire. Je sais que tu chantes, tu chanteras. Quand ils te diront d’entrer et de sortir, d’aller et de venir, tu entreras, tu sortiras, tu iras, tu viendras, bien exactement, entends-tu ? Tout cela c’est pour ton bien. Madame et moi nous les aiderons à t’enseigner quelque chose que je sais bien, et nous ne te demandons pour nos peines que de poser tous les jours une heure devant madame ; cela ne t’afflige pas trop fort, n’est-ce pas ? »

Pierrette ne répondait qu’en rougissant et en pâlissant à chaque parole ; mais elle était si contente