Page:Vigny - Servitude et grandeur militaires, 1885.djvu/173

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grandeurs.

La Grandeur guerrière, ou la beauté de la vie des armes, me semble être de deux sortes : il y a celle du commandement et celle de l’obéissance. L’une, tout extérieure, active, brillante, fière, égoïste, capricieuse, sera de jour en jour plus rare et moins désirée, à mesure que la civilisation deviendra plus pacifique ; l’autre, tout intérieure, passive, obscure, modeste, dévouée, persévérante, sera chaque jour plus honorée ; car, aujourd’hui que dépérit l’esprit des conquêtes, tout ce qu’un caractère élevé peut apporter de grand dans le métier des armes me paraît être moins encore dans la gloire de combattre que dans l’honneur de souffrir en silence et d’accomplir avec constance des devoirs souvent odieux.

Si le mois de juillet 1830 eut ses héros, il eut en vous ses martyrs, ô mes braves Compagnons ! — Vous voilà tous à présent séparés et dispersés. Beaucoup parmi vous se sont retirés en silence, après l’orage, sous le toit de leur famille ; quelque pauvre qu’il fût, beaucoup l’ont préféré à l’ombre d’un autre drapeau que le leur. D’autres ont voulu chercher leurs fleurs de lis dans les bruyères de la Vendée, et les ont encore une fois arrosées de leur sang ; d’autres sont allés mourir pour des rois étrangers ; d’autres, encore saignants des blessures des trois jours, n’ont point résisté aux tentations de l’épée : ils l'ont