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CHAPITRE III


DE LA SERVITUDE DU SOLDAT ET DE SON CARACTÈRE INDIVIDUEL


Les mots de notre langage familier ont quelquefois une parfaite justesse de sens. C’est bien servir, en effet, qu’obéir et commander dans une Armée. Il faut gémir de cette Servitude, mais il est juste d’admirer ces esclaves. Tous acceptent leur destinée avec toutes ses conséquences, et, en France, surtout, on prend avec une extrême promptitude les qualités exigées par l’état militaire. Toute cette activité que nous avons se fond tout à coup pour faire place à je ne sais quoi de morne et de consterné.

La vie est triste, monotone, régulière. Les heures sonnées par le tambour sont aussi sourdes et aussi sombres que lui. La démarche et l’aspect sont uniformes comme l’habit. La vivacité de la jeunesse et la lenteur de l’âge mûr finissent par prendre la même allure, et c’est celle de l’arme.