Page:Vigny - Servitude et grandeur militaires, 1885.djvu/287

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à l’illustration et que l’on ne peut s’empêcher d’y voir malgré soi-même. On voudrait en vain les dépouiller de ce caractère qui vit en eux et fait comme leur force et leur soutien : c’est l’os de leurs chairs et la moelle de leurs os. Il y avait peut-être quelque chose du combat et du spectacle qui fortifiait les Martyrs ; le rôle était si grand dans cette scène, qu’il pouvait doubler l’énergie de la sainte victime. Deux idées soutenaient ses bras de chaque côté, la canonisation de la terre et la béatification du ciel. Que ces immolations antiques à une conviction sainte soient adorées pour toujours ; mais ne méritent-ils pas d’être aimés, quand nous les devinons, ces dévouements ignorés qui ne cherchent même pas à se faire voir de ceux qui en sont l’objet ; ces sacrifices modestes, silencieux, sombres, abandonnés, sans espoir de nulle couronne humaine ou divine ; — ces muettes résignations dont les exemples, plus multipliés qu’on ne le croit, ont en eux un mérite si puissant, que je ne sais nulle vertu qui leur soit comparable ?

Ce n’est pas sans dessein que j’ai essayé de tourner les regards de l’Armée vers cette GRANDEUR PASSIVE, qui repose toute dans l’abnégation et la résignation. Jamais elle ne peut être comparable en éclat à la Grandeur de l’action où se développent largement d’énergiques facultés ;