Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/157

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asseoir sur les marches de l’escalier. Elle obéit, et resta accroupie comme une folle, avec les yeux ouverts. Elle tremblait de tout le corps.

Je ne sais, monsieur, si vous avez le secret de faire des phrases dans ces cas-là ; pour moi, qui passe ma vie à contempler ces scènes de deuil, j’y suis muet.

Pendant qu’elle voyait devant elle fixement et sans pleurer, je retournais dans mes mains la fiole qu’elle avait apportée dans la sienne ; elle alors, la regardant de travers, semblait dire, comme Juliette : « L’ingrat ! avoir tout bu ! ne pas me laisser une goutte amie ! »

Nous restions ainsi l’un à côté de l’autre, assis et pétrifiés : l’un consterné, l’autre frappée à mort ; aucun n’osant souffler le mot, et ne le pouvant.

Tout d’un coup une voix sonore, rude et pleine, cria d’en bas :

« Come, mistress Bell ! »

A cet appel, Kitty se leva comme par un ressort ; c’était la voix de son mari. Le tonnerre eût été moins fort d’éclat et ne lui eût pas causé, même en tombant, une plus violente et plus électrique