Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/191

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une sueur abondante, une sueur de sang ; mais lorsqu’il fallut le mettre debout et le faire marcher, ils succombèrent à l’essai. Impuissants organisateurs, étourdis, pétrifiés par la solitude où ils se trouvèrent tout à coup, ils ne surent que recommencer à se combattre dans leur petit troupeau souverain. Tout haletants du combat, ils s’essayaient à griffonner quelque bout de système dont ils n’entrevoyaient même pas l’application probable : puis ils retournaient à la tâche plus facile de la monstrueuse saignée. Les trois mois de leur puissance souveraine furent pour eux comme le rêve d’une nuit de malade. Ils n’eurent pas la force d’y prendre le temps de penser. Et d’ailleurs, la Pensée, la Pensée calme, saine, forte et pénétrante comme je la conçois, est une chose dont ils n’étaient plus dignes.

— Elle ne descend pas dans l’homme qui a horreur de soi.

Ce qui leur restait d’idées pour leur usage dans la conversation, vous l’allez entendre, comme j’en eus moi-même l’occasion. L’ensemble de leur vie et les jugements qu’on en porte ne sont pas d’ailleurs ce qui m’occupe, mais toujours l’idée première de notre conversation, leurs dispositions envers les Poètes et tous les artistes de leur