Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/210

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et de politesse réservée, et je sentis que j’avais perdu sa confiance par ma rudesse. Ses yeux étaient plus que baissés et presque fermés, quand je continuai à lui recommander un silence profond et une retraite absolue. Je lui disais (le plus poliment possible cependant) que tous les âges ont leur étourderie, toutes les passions leurs imprudences, et que l’amour paternel est presque une passion.

J’ajoutai qu’il devait penser, sans attendre de moi de plus grands détails, que je ne m’avançais pas à ce point auprès de lui, dans une circonstance aussi grave, sans être certain du danger qu’il y aurait à faire la plus légère démarche ; que je ne pouvais lui dire pourquoi ; mais qu’enfin il me pouvait croire ; que personne n’était plus avant que moi dans la confidence des chefs actuels de l’État ; que j’avais souvent profité des moments favorables de leur intimité pour soustraire quelques têtes humaines à leurs griffes et les faire glisser entre leurs ongles ; que cependant, dans cette occasion, une des plus intéressantes qui se fût offerte, puisqu’il s’agissait de son fils aîné, intime ami d’une femme que j’avais vue naître et que je regardais comme mon enfant, je