Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/217

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ou, comme on eût dit en langue héraldique, un blaireau rampant, et au-dessus, en gros caractères : Honneur à Blaireau, le bourreau des crânes !

Je levai vite la tête, comme on ferait pour voir si un portrait est ressemblant.

« Ceci, c’est toi, n’est-ce pas ? Ceci n’est plus pour la politique, mais pour la gloire ? »

Un léger sourire rida la longue figure jaune de mon canonnier, et il me dit paisiblement :

« Oui, oui, c’est moi. Les crânes sont les six maîtres d’armes à qui j’ai fait passer l’arme à gauche.

— Cela veut dire tuer, n’est-ce pas ?

— Nous disons ça comme ça », reprit-il avec la même innocence.

En effet, cet homme primitif, habile sans le savoir, à la manière des héros d’Otaïti, avait gravé sur son bras jaune, au bout du sabre du blaireau, six fleurets renversés qui semblaient l’adorer.