Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de préserver de l’influence de mes peines et de mes souffrances l’enfant que je porte dans mon sein. J’ai peur pour lui… »

Elle rougit ; mais elle continua malgré la pudeur, et la soumit à entendre ce qu’elle voulait me dire…

Elle s’animait en parlant.

« Vous autres hommes, et vous, tout docteur que vous êtes, vous ne savez pas ce que c’est que cette fierté et cette crainte que ressent une femme dans cet état. Il est vrai que je n’ai vu aucune femme pousser aussi loin que moi ces terreurs. »

Elle leva les yeux au ciel.

« Mon Dieu ! quel effroi divin ! quel étonnement toujours nouveau ! Sentir un autre cœur battre dans mon cœur, une âme angélique se mouvoir dans mon âme troublée, et y vivre d’une vie mystérieuse qui ne lui sera jamais comptée, excepté par moi qui la partage ! Penser que tout ce qui est agitation pour moi est peut-être souffrance pour cette créature vivante et invisible, que mes craintes peuvent lui être