rude et flétrissante épithète. Ainsi, lorsqu’on a goûté par complaisance une liqueur amère, si les lèvres la jettent loin d’elles, il est rare que ce mouvement ne soit pas suivi d’un souffle et d’une expression de dégoût.
« O Multitude ! Multitude sans nom ! vous êtes née ennemie des noms ! — Considérez ce que vous faites lorsque vous vous assemblez au théâtre. Le fond de vos sentiments est le désir secret de la chute et la crainte du succès. Vous venez comme malgré vous, vous voudriez ne pas être charmée. Il faut que le Poète vous dompte par son interprète, l’acteur. Alors vous vous soumettez, non sans murmure et sans une longue suite de reproches sourds et obstinés. Car proclamer un succès, un nom, c’est pour chacun mettre ce nom au-dessus du sien, lui reconnaître une supériorité qui offense celui qui s’y soumet. Et jamais, je l’affirme, vous ne vous y soumettriez, ô fière Multitude ! si vous ne sentiez en même temps (heureuse consolation !) que vous faites acte de protection. Votre position de juge, qui verse l’or à pleines mains, vous soutient un peu dans le cruel effort que vous faites en signant, par des applaudissements, l’aveu