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THÉÂTRE.

LE QUAKER.

Je dis obstiné parce qu’il est rare que ces malheureux renoncent à leur projet quand il est arrêté en eux-mêmes.

KITTY BELL.

En est-il là ? En êtes-vous sûr ? Dites-vous vrai ? Dites-moi tout ! Je ne veux pas qu’il meure ! — Qu’a-t-il fait ? que veut-il ? Un homme si jeune ! une âme céleste ! la bonté des anges ! la candeur des enfants ! une âme tout éclatante de pureté, tomber ainsi dans le crime des crimes, celui que le Christ hésiterait lui-même à pardonner ! Non, cela ne sera pas, il ne se tuera pas. Que lui faut-il ? est-ce de l’argent ? Eh bien ! j’en aurai. — Nous en trouverons bien quelque part pour lui. Tenez, tenez, voilà des bijoux, que jamais je n’ai daigné porter, prenez-les, vendez tout. — Se tuer ! là, devant moi et mes enfants ! — Vendez, vendez, je dirai ce que je pourrai. Je recommencerai à me cacher ; enfin je ferai mon crime aussi, moi ; je mentirai : voilà tout.

LE QUAKER.

Tes mains ! tes mains ! ma fille, que je les adore.

Il baise ses deux mains réunies.

Tes fautes sont innocentes, et pour cacher ton mensonge miséricordieux, les saintes tes sœurs étendraient leurs voiles ; mais garde tes bijoux, c’est un homme à mourir vingt fois devant un or qu’il n’aurait pas gagné ou tenu de sa famille. J’essayerais bien inutilement de lutter contre