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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

ou (Histoire de l’art dramatique, II, 42) constaté l’espèce de gageure de ce drame purement symbolique, « la poésie aux prises avec la prose, et l’idéal succombant sous le réel » ; il est, en 1857, sceptique. « Ce sont les souvenirs de Chatterton plus encore que le style et la forme de l’œuvre qui l’ont fait accueillir avec respect. C’est tout ce qu’on pouvait accorder à ce drame philosophique » (Globe, 27 décembre). Dans le Moniteur du 14 décembre, il analyse les impressions du public : « En 1835, il paraissait tout simple d’aimer Chatterton, mais aujourd’hui comment s’intéresser à un particulier qui ne possède ni capitaux, ni rentes, ni propriétés ? Le dénouement seul a remué les spectateurs comme aux premiers jours. »

J. Janin, par contre, ne manque pas de triompher (Débats, 15 décembre 1857) de ce « modèle idiot de poète inutile et sans courage » : « Il y a là dedans comme qui dirait… de la psychologie. Or, la psychologie est hors de mode au théâtre et dans le roman… » Sa Littérature dramatique (t. VI, p. 204, 1858) reviendra sur ce sujet : « le plus coupable et le plus dangereux de tous les panthos ». Devenu conservateur, Lamartine dira de même (94e et 95e Entretiens du Cours familier) que « le cri de haine contre la société est le cri d’un fou qui veut avoir raison contre la nature des choses ».

L’hostilité à Chatterton s’exacerbe d’autres rancunes, et Veuillot trouve ce drame « révoltant, odieux et absurde » (Libres Penseurs, chap. xii). Même note dans Eug. Poitou (Du roman et du théâtre contemporains) et dans les anonymes Gloires du Romantisme (1862). Le poète est d’autant plus touché de marques de sympathie, comme le sonnet que lui adresse Louis Ratisbonne le 10 décembre 1857, ou comme l’adhésion du jeune J. Claretie.

À plus forte raison sera-t-il malaisé de faire accepter cette pièce au théâtre vingt ans plus tard : la reprise de février 1877 trouve Sarcey féroce (Temps du 12 février) pour « une des œuvres les plus mortellement ennuyeuses qui aient jamais paru sur le théâtre ». Vitu (Figaro, 6 février) est plus indulgent. Banville (National du 12 février) est seul à rendre hommage à la pièce et à sa thèse.

En 1907, Chatterton a une presse plus mauvaise encore (A. Brisson dans le Temps du 11 février) : jugement contresigné par P. Lasserre (le Romantisme français), H. Parigot, Le drame d’Alexandre Dumas.

À l’étranger, c’est en Italie que Chatterton avait éveillé l’écho le plus sympathique : Mazzini, dans un important article Della fatalità come elemento drammatico, 1836 (Scritti letter., II, 192), constatant que la fatalité est le ressort par excellence du drame romantique, estime