Page:Villévêque - De la situation des gens de couleur libres aux Antilles francaises, 1823.djvu/19

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Mais on va voir comment les choses se passèrent. Le colon qui avait accordé la liberté à Sophie, en se conformant à toutes les formalités voulues, étant mort, un cousin vint pour en recueillir la succession. Sa sordide avidité l’engagea à réclamer la propriété que cette femme avait achetée depuis qu’elle était libre, et même du vivant de son ancien maître. On s’imagine que la cour de justice rejeta une demande aussi inique que révoltante ; pas du tout : elle conclut que Sophie, n’ayant pu, depuis qu’elle était libre, gagner assez pour acheter ce qu’elle possédait, elle avait dû nécessairement voler son ancien maître pour faire cette acquisition. Ainsi la cour de justice, par un arrêt aussi inattendu qu’inexplicable, dépouilla cette malheureuse de sa propriété, et la donna à celui qui ne put la recevoir qu’en violant toutes les lois divines et humaines. L’infortunée mourut quelque temps après de chagrin et de misère, et ses enfans sont réduits à la mendicité. Nous le demandons, où est l’article du Code qui prescrit à un tribunal de rechercher par quels moyens un individu quelconque a pu faire des achats ?

Mais si le lecteur allait supposer que le tri-