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au klondyke
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— Il me semble qu’il nous manque du monde, fit tout à coup observer Vernier.

— Il en manque une dizaine, répondit le comte.

— Où sont-ils donc ?

— Dans les bois. Tu n’as pas voulu les emmener avec toi, ils sont allés chasser de leur côté.

— C’est de la désobéissance ; je n’aime pas cela. Tu aurais dû les retenir.

— Tu sais bien que je n’ai pas d’autorité sur eux.

C’était vrai. Les matelots n’avaient pas tardé à comprendre que le comte n’éprouvait pour eux aucune sympathie et qu’une égoïste ambition était la seule passion qui le dominât ; aussi affectaient-ils de le considérer comme un étranger, tout en restant entièrement dévoués à Vernier, pour lequel ils avaient un réel attachement. Sur un signe de leur capitaine, ils se fussent jetés dans le feu, mais ils n’eussent pas fait un geste pour tirer son ami d’un danger sérieux. Certains qu’ils n’étaient pour ce dernier que des instruments, ils agissaient en conséquence avec lui, dédaignant sa morgue hautaine et ne se souciant nullement de lui être agréable.

Vernier savait tout cela, aussi ne répondit-il rien à la remarque du comte. Quant à la désobéissance de ses matelots, il était tout disposé à ne pas le leur reprocher, puisqu’elle était motivée par le désir bien légitime d’approvisionner la troupe.

Il les félicita même en les voyant revenir portant sur des brancards deux magnifiques rennes, qu’il fit immédiatement dépecer et rôtir, après quoi, chacun en ayant