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au klondyke

trente mètres de corde ne suffisaient pas à toucher le fond.

Le canot poussa jusqu’à l’échancrure de terre, et ceux qui le montaient ne furent pas peu surpris et charmés en constatant l’entrée d’une baie vaste et bien abritée, offrant un refuge sûr.

En quelques coups de sonde, le lieutenant reconnut que le Caïman pouvait hardiment y pénétrer.

Des signaux furent faits aussitôt, et un quart d’heure plus tard, le navire entrait dans la baie libre de glace. Au moment où la lueur crépusculaire qui tenait lieu de jour s’éteignait, la plaine de glace qui avait suivi le Caïman venait bloquer la passe, fermant ainsi la seule issue par où l’on pût ressortir.

Lorsqu’on eut jeté l’ancre, le capitaine ordonna que l’on reprît les coutumes en usage à bord. En conséquence, le repas fut préparé et les matelots, heureux d’avoir enfin échappé à tant de périls, y firent un honneur que l’on comprendra aisément. Les estomacs, contractés par une mortelle appréhension, se dilatèrent et recommencèrent leur office, et quand chacun eut largement réparé ses forces, des chants joyeux retentirent dans l’entrepont, où les marins allaient et venaient, rassurés sur le présent, confiants en l’avenir.

Attablé dans sa cabine, avec son second et le comte de Navailles, Vernier souriait tristement au bruit de cette franche gaieté.

— Pauvres gens ! dit-il enfin, laissons-les dans leur ignorance.

— Que veux-tu dire ? interrogea vivement le comte.