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Page:Ville - Au Klondyke, 1898.djvu/146

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au klondyke

efforts pour lui faire envisager froidement le dénouement fatal qu’il pressentait, qu’il croyait inévitable. Il aurait voulu être certain qu’à l’heure suprême son ami accepterait avec une chrétienne résignation le résultat de sa folle entreprise. Connaissant la nature nerveuse et impressionnable du jeune homme, il tremblait à la pensée du désespoir furieux dont il serait témoin lorsque, tout espoir ayant disparu, le comte devrait regarder la mort en face. Il savait, il sentait que cet homme de vingt-sept ans, pour qui la vie n’avait été qu’un jardin fleuri, n’accepterait pas avec calme sa défaite.

Nous avons dit que, ce jour-là, le comte et son ami s’étaient retirés dans leur rudimentaire cabine, laissant les matelots à leurs conversations.

Les deux hommes s’étaient assis silencieusement au bord de leurs lits.

— Vernier, dit tout à coup M. de Navailles, tu mériterais que je te fisse des reproches.

— Vraiment ! fit ce dernier.

— Oui, car depuis que nous sommes ici, tu n’as cessé de me prédire une catastrophe, alors que tu n’en pensais pas un mot.

— Je t’avoue que je n’ai pas l’habitude de déchiffrer les énigmes. Explique-toi donc plus clairement.

— Ne cherches-tu pas continuellement à me persuader que nous mourrons ici ?

— Après ?

— Est-ce vrai, oui ou non ?

— C’est exact, mais je ne vois pas où tu veux en venir, ni en quoi j’ai mérité ces reproches dont tu prétends avoir le droit de m’accabler.