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au klondyke

jusqu’à ce qu’il fut en dehors de la baie. Alors il oscilla selon le caprice des vagues et la marche devint plus rapide.

Quelques heures plus tard, l’île n’apparaissait plus que comme un point sombre.

Après avoir mis le cap au sud, Vernier assujettit la barre et alla rejoindre ses compagnons, groupés au pied du mât.

L’affaissement moral qui, la veille encore, les tenait dans une sorte d’anéantissement de tout leur être avait complètement disparu. Pourtant, la situation n’était rien moins que rassurante. Au lieu d’être emprisonnés par des barrières de glace, ils voguaient maintenant sur la mer libre, mais combien de temps durerait cette navigation et sur quelle côte allaient-ils atterrir ? Hélas ! ils n’y songeaient même pas. L’espace était devant eux, immense, infini, ils n’en demandaient pas davantage pour le moment.

Le soir venu, tous se retirèrent sous la tente dressée à l’arrière, sauf Vernier qui, appuyé au mât, constatait avec inquiétude que le vent avait une tendance à changer… et il ne restait de vivres que pour deux jours.

Le lendemain, une morne consternation remplaçait sur les visages l’expression joyeuse qu’y avait fait naître le départ. Le vent avait subitement tombé ; la voile pendait inerte le long du mât et le radeau restait immobile, sans que le roulis que lui imprimait la vague le fit avancer d’une ligne.

Vernier, le comte, Valentin, Loriot et le Breton Baludec avaient cet air résigné d’hommes qui renoncent à lutter et qui, certains de leur fin prochaine, attendent avec calme