— Ne le devines-tu pas ?
— C’est de la fièvre, mais cela passera, monsieur le comte, dit Charles Vernier, que le lecteur a certainement reconnu.
Le comte Henri de Navailles poussa un profond soupir.
— Ce voyage sera bien long ! dit-il en hochant la tête.
— Si tu en es déjà là, il vaut mieux virer de bord… Comment ! nous avons quitté la France depuis quatre jours, et tu te plains de n’être pas encore arrivé ?
— L’existence, sur ce navire, n’est pas d’une gaieté folle.
— Espérais-tu donc voyager au son des violons ?
— Non, mais…
— Pas d’observation… À ta première réclamation, je te fais mettre aux fers.
— Je voudrais bien voir cela ! s’écria le comte en riant.
— Oublies-tu donc qu’un capitaine est roi à son bord ?
— Ainsi, tu me défends de récriminer contre la longueur du voyage et l’ennui que me cause la monotonie du paysage ?
— Absolument ; d’autant plus que tu exagères singulièrement. Est-il rien de plus beau que cette immensité qui nous entoure, que ce soleil qui semble ne briller que pour nous ?… Et ce roulis qui nous berce si doucement, n’est-il pas agréable ?
— Oui, oui, il est joli, ton roulis ; il m’a donné le mal de mer pendant deux jours. Puisque le navire est construit pour marcher aussi à la vapeur, pourquoi t’obstines-tu à marcher à la voile ? Nous sentirions moins ce roulis que tu trouves si agréable.