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la famille dufour

Une table fut immédiatement dressée, et Mme Dufour servit du café noir et quelques fruits.

Ce frugal repas achevé, Joseph Dufour se renversa sur sa chaise.

— Je vous écoute, dit-il à Louis, à moins que vous ne préfériez garder le silence ; dans ce cas, dites-nous simplement ce que nous pouvons faire pour vous.

— Monsieur, dit lentement Louis, si je n’avais pas affaire à des compatriotes, peut-être hésiterais-je à vous raconter ce qui m’est arrivé, car je cours en ce moment un grand danger.

— Vraiment !

— Vous allez en juger. D’abord, permettez-moi de me faire connaître : je suis le fils du colonel de Vorcel, ami personnel du marquis de Montcalm, général en chef de l’armée française au Canada.

Joseph Dufour se leva et s’inclina en disant :

— Monsieur, le fils du brave officier sous les ordres duquel j’ai eu l’honneur de me battre a droit à tous nos égards.

— Je vous remercie, monsieur, pour mon père et pour moi, répondit Louis avec émotion. Maintenant, ajouta-t-il, écoutez-moi.

Il raconta ce qui lui était arrivé depuis que sa mère avait été massacrée par Niocébah. Quand il expliqua comment il avait échappé aux bandits, les quatre frères battirent des mains en riant comme des fous.

— Ma foi ! s’écria l’espiègle Charles, c’était bien joué !

— Oui, dit Louis avec un sourire mélancolique, mais cette fuite n’était que le prélude d’horribles souffrances.

— Pauvre enfant ! murmura Mme Dufour.

— Grâce au courant, reprit Louis, je m’éloignai assez rapidement pour ne pas craindre d’être poursuivi. D’ailleurs, les balles des bandits, en sifflant autour de moi, décuplèrent mes forces et mon énergie. Je suivis la rivière pendant plusieurs heures ; mais bientôt la faim me décida à aborder. Hélas ! sans armes, que pouvais-je faire ? Pourtant, je résolus de lutter