Page:Ville - Le chef des Hurons, 1900.djvu/127

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coup de jarret, s’éloigna de la rive et se mit à pagayer comme s’il n’avait fait que cela toute sa vie. Sur le moment, nous sommes restés pétrifiés de stupéfaction, ce qui lui permit de gagner le courant. Alors, fou de colère, le capitaine fit feu sur lui, mais avec tant de précipitation, qu’il le manqua. Ensuite…

— Achevez.

— Sur l’ordre du capitaine, nous fîmes feu à notre tour…

— Misérable ! hurla le chasseur en bondissant sur ses pieds et tirant un pistolet de sa ceinture.

— Mais nous le manquâmes, se hâta d’ajouter le bandit, plus mort que vif.

— Dites-vous vrai ? fit Sans-Peur en dardant sur l’Espagnol un regard étincelant.

— Je vous le jure sur ma part de paradis ! Le chasseur reprit sa place sur l’herbe.

— Continuez, dit-il d’une voix plus calme.

— Je n’en sais pas davantage.

— Lorsque le jeune homme vous eut quitté, que fîtes-vous ?

— Nous nous rendîmes à la caverne du jaguar.

— Afin de tenir conseil, sans doute.

— Oui.

— Et que décida-t-on ?

— Ce matin, au point du jour, tout le monde partit, chacun dans une direction différente, afin de retrouver le fugitif, car, sans armes et sans vivres, il ne peut avoir été loin.

Le chasseur réfléchit longuement.

Enfin, il releva la tête et regarda le bandit bien en face.

— Écoutez, lui dit-il, je devrais vous brûler la cervelle, car vous êtes un misérable hors la loi, mais en faveur de votre franchise, je veux bien vous faire grâce de la vie.

Le bandit s’inclina en signe de remerciement.

— Vous allez donc partir, mais ne vous retrouvez jamais sur mon chemin.