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LE CHEF DES HURONS

son impatience. S’il n’eût écouté que son cœur, il se fût élancé à fond de train, tant il avait hâte de revoir son fils.

Sans-Peur se tenait près de lui, silencieux et insouciant.

Les chasseurs plaisantaient entre eux, supputant le nombre de bandits qu’ils extermineraient avant de retourner à Québec.

Quant à Taréas, grave et digne, il galopait sur les flancs de la troupe. Enfant du désert, il n’acceptait que forcément cette allure si peu en rapport avec ses habitudes, car les Indiens ne connaissent que le galop vertigineux de leurs chevaux à demi sauvages. Vers quatre heures de l’après-midi, on aperçut au loin la rivière des Cèdres, semblable à un immense ruban d’argent.

Sans-Peur, qui guidait la troupe, fit un brusque crochet à gauche.

— Nous approchons ? lui demanda le colonel.

— Dans une heure, nous serons arrivés.

— Ah ! mon ami, quelle reconnaissance je vous devrai !

— Vous exagérez le service.

— En ce moment, je ne vois que le dévouement dont vous et Taréas avez fait preuve en cette circonstance.

— C’est pourtant bien peu de chose, je vous assure.

— Vous appelez peu de chose, battre le désert pour retrouver mon fils, au risque d’être tués ou scalpés !

— Être tué ne me semble pas une grande affaire, car on ne meurt qu’une fois ; mais être scalpé, je vous avoue que cela me serait très désagréable. D’autant plus que les Peaux-Rouges ont parfois la fantaisie de prendre les chevelures de leurs prisonniers avant de les mettre à mort, et cela afin de leur prouver avec quelle dextérité ils font une coupe de cheveux.

Le colonel frissonna.

— C’est horrible ! s’écria-t-il.

— Bah ! il faut bien se faire aux coutumes des pays que l’on habite.

— Ces Indiens sont vraiment trop féroces !