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LE CHEF DES HURONS

mettrez, avant de vous la remettre, de vous adresser quelques questions.

— Cette prudence de votre part est extrêmement juste ; je dirai même plus, elle me rassure pour le cas où d’autres que nous, c’est-à-dire des ennemis, viendraient vous réclamer cette personne, car, à moins que ce ne soit son père, ce ne pourrait être que les misérables auxquels elle a si miraculeusement échappé.

— Qu’est-il donc arrivé ? questionna vivement le missionnaire.

— Vous l’ignorez ?

— Comment le saurais-je ? la jeune fille que j’ai trouvée dans la forêt était dans un tel état de prostration que j’ai cru prudent de ne lui faire subir aucun interrogatoire, qui eût pu, en réveillant ses souvenirs, aggraver son mal.

— Vous avez sagement agi. Sachez donc que cette jeune fille se nomme Marthe de Vorcel et est l’enfant du colonel de Royal-Marine, actuellement à Québec, où se trouve le quartier général du marquis de Montcalm.

— Il se pourrait ?…

— Je vous en donne ma parole d’honneur.

— Le chasseur blanc n’a pas la langue fourchue, ajouta Taréas ; ce qu’il dit est vrai.

— Je vous crois, mes amis, je vous crois, dit le Père Florentin ; mais ce que vous m’apprenez est si extraordinaire !…

— Moins que vous ne le supposez.

— Expliquez-vous.

Sans-Peur fit alors le récit de ce qui s’était passé et expliqua comment, selon lui, Marthe de Vorcel avait échappé à la mort.

— Vous devez avoir raison, dit le missionnaire ; cette jeune fille a dû fuir dans un moment d’affolement, épouvantée par l’apparition soudaine des Iroquois.

— Comment est-elle, maintenant ?

— Mieux ; le calme rentre en elle, et dans quelques jours elle sera complètement rétablie.

— Peut-être serait-il prudent de la laisser dans l’ignorance des malheurs survenus.