Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont je parle, ce fut celle de la prédication et des liturgies chrétiennes. Jamais les délégués et les instruments de la puissance romaine n’avaient pu être aussi nombreux, aussi actifs, que l’étaient ces apôtres de croyance et ces maîtres de conscience, jetés par la foi nouvelle sur tous les points du monde. Les édits d’un préteur, les harangues d’un général, tout cela n’était rien en comparaison de cet apostolat perpétuel et multiple. Ainsi, avec le christianisme, la langue latine, qui, dans l’Occident, était seule la langue des prédicateurs, dut rapidement s’affermir et s’étendre, devenir plus familière aux peuples déjà soumis, et pénétrer chez ceux mêmes qui ne l’étaient pas. Faudra-t-il rappeler que, dans l’ardeur de leur foi, ces prédicateurs devaient peu s’inquiéter de l’exactitude grammaticale ? Nul doute. Mais prouvons d’abord l’extension de la langue latine parmi les chrétiens.

Saint Augustin, parlant à son auditoire africain et numide, dit quelque part :

Proverbium notum est punicum, quod quidem latine vobis dicam, quia punice non omnes nostis ; punicum enim proverbium sst antiquum : « Nummum quæerit pestilentia ; duos illi da, et ducat se. »

On connait le proverbe carthaginois, que je vous citerai en latin, parce que vous n’entendez pas tous le punique : « Si la peste vous demande un écu, donnez-lui-en deux, et qu’elle s’en aille. »