de la guerre, se justifiait chaque jour par la gloire du souverain, et arrêtait ainsi la puissance arbitraire au nom de ces victoires et de ces triomphes même qui servent ordinairement à l’augmenter. L’honneur fut donc sous Louis XIV le contre-poids du pouvoir. Comme l’Ame généreuse et la noble délicatesse de ce grand roi lui indiquaient toujours d’avance le point où il aurait rencontré cette barrière, il ne la heurta jamais ; et il gouverna sans aucune apparence de contradiction et d’obstacle. Toutes les maximes du pouvoir absolu furent reçues et sanctitiées par la religion. Bossuet devint le publiciste du siècle de Louis XIV, comme il en était le prédicateur et le théologien. La politique de ce grand homme devait être aussi impérieuse que la foi qu’il enseignait. Son ardente imagination se laissait ravir d’enthousiasme pour la splendeur du trône et du monarque ; son génie vaste ne pouvait concevoir que dans l’exercice absolu d’une immense domination quelque chose d’égal à sa force, qu’il prenait involontairement pour mesure de la force d’un roi. Ainsi, tandis que dans une île voisine, de factieux sectaires, par une interprétation perverse des saintes Écritures, établissaient la haine de toute primauté politique et religieuse, et ce qu’ils appelaient l’égalité primitive des hommes, Bossuet puisait également dans les saintes Écritures les maximes d’un pouvoir aussi absolu que les décisions de l’Église et ses leçons mêmes, données au nom de la religion, semblaient agrandir et consacrer les rois qui, ne pouvant être punis que par Dieu, n’étaient avertis que par ses ministres.
On n’a peut-être point assez remarqué l’influence de Bossuet sur l’esprit de son siècle. Cet homme, par ses doctrine, son caractère et son génie, était singulièrement propre à seconder le règne de Louis le Grand. Ce dédain qu’il exprimait pour les vaines disputes des politiques, cette hauteur de raison avec laquelle il abattait les pensées de l’orgueil humain, cette habitude de ne rien voir d’important pour les hommes que la religion, cette autorité menaçante qui écrasait à la fois les opinions théologiques et les raisonnements républicains des protestants, de manière à rendre toujours la liberté complice de l’hérésie, tout, dans Bossuet, devait servir à l’affermissement du pouvoir absolu, et éloigner les esprits de la discussion des intérêts civils. Cette disposition, préparée par beaucoup de circonstances, devint générale, et le siècle le plus rempli de l’esprit