Page:Villemain - Discours et mélanges littéraires.djvu/122

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jetés dans ce jeune cœur, et faisait succéder à tous les défauts d’un caractère indomptable l’habitude des plus salutaires vertus. Cette éducation, dont il nous reste d’immortels monuments dans quelques écrits de Fénelon, paraissait le chef-d’œuvre du génie qui se consacre au bonheur des hommes.

Fénelon, transporté au milieu de la cour, et ne s’y livrant qu’à demi, se faisait admirer par les grâces d’un esprit brillant et facile, par le charme de la plus noble et de la plus éloquente conversation. Il y avait en lui quelque chose de séduisant et d’inspiré. L’imagination, le génie lui échappaient de toutes parts ; et la plus élégante politesse embellissait et faisait pardonner l’ascendant du génie. Cette supériorité personnelle excitait beaucoup plus d’admiration que le petit nombre d’ouvrages sortis de sa plume. C’est sous ce rapport qu’il fut loué à l’époque de sa réception à l’Académie ; et, peu de temps après, La Bruyère le peignit encore sous les mêmes traits, reconnaissables pour tous les contemporains. « On sent, dit-il, la force et l’ascendant de ce rare esprit, soit qu’il prêche de génie et sans préparation, soit qu’il prononce un discours étudié et oratoire, soit qu’il explique ses pensées dans la conversation : toujours maître de l’oreille et du cœur de ceux qui l’écoutent, il ne leur permet pas d’envier ni tant d’élévation, ni tant de facilité, de délicatesse, de politesse, »

Cet ascendant de vertu, de grâce et de génie, qui excitait, dans le cœur des amis de Fénelon, une tendresse mêlée d’enthousiasme, et qui avait séduit Mme de Maintenon, malgré sa défiance et sa réserve, échoua toujours contre les préventions de Louis XIV. Ce prince estimât sans doute l’homme auquel il confiait l’éducation de son petit-fils ; mais il n’eut jamais de goût pour lui. On a cru que l’élocution brillante et facile de Fénelon gênait un