être arrêté par la crainte de s’ôter quelque chose à lui-même, en bornant le domaine de telle ou telle faculté, et comme sûr de retrouver sa place dans tous les partages de l’esprit humain. Pascal, en effet, réunissait au plus haut degré les deux puissances extrêmes de la pensée, le raisonnement et l’imagination. Sa vie, son caractère, ses ouvrages tiennent à cette alliance ; et elle se trouve marquée dans la plus grande œuvre qui ait occupé son génie. Personne, dans le même siècle, n’a reçu peut-être, avec un enthousiasme plus ardent et plus sincère, les vérités du christianisme ; mais le raisonnement, soulevé du milieu de son enthousiasme, l’agitait encore par les tourments du doute. Peut-on expliquer autrement cette prévoyance, qui lui montre tant d’objections peu familières à son siècle, et lui inspire la pensée de fortifier, de défendre ce que personne n’attaquait encore ? Les illustres contemporains de Pascal, remplis d’une conviction non pas plus pure, mais plus paisible, se bornaient à développer les conséquences d’une religion dont les principes ne rencontraient pas d’adversaires : ils élevaient la voûte du temple, sans craindre qu’aucune main fût assez hardie pour en saper les colonnes. Pascal seul, averti du péril par ses propres expériences, méditait un ouvrage où il espérait ne laisser sans réponse aucun des doutes du scepticisme que ce grand génie avait, pour ainsi dire, essayé en tous sens sur lui-même. La main de l’architecte est encore tout entière dans les ruines de ce monument commencé. Mais qui oserait le reconstruire en idée, et calculer l’assemblage de ses parties éparses et informes ?
Dans les sables de l’Égypte, on découvre de superbes portiques qui ne conduisent plus à un temple que les siècles ont détruit, de vastes débris, des vestiges d’une immense cité, et, sur les chapiteaux renversés, d’antiques peintures, dont les éblouissantes couleurs ne passe-