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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

réponse de l’Oracle. Cette fois, il lui fut ordonné d’aller à un temple près du promontoire de Ténare, et là, d’apaiser par des expiations et des sacrifices l’âme du poëte.

L’antiquité ne nous dit rien de plus sur l’effet de cette pénitence. Mais tous les témoignages constatent la renommée croissante d’Archiloque, malgré les reproches attachés à sa mémoire. L’anniversaire de sa naissance resta longtemps célébré dans toute la Grèce, comme celui de la naissance d’Homère ; et la critique souvent réunit ces deux noms : c’est que le génie des écrivains, et non le genre des ouvrages, prévaut dans la postérité. Mais, en dépit de cette admiration, la licence de mœurs que les païens mêmes reprochaient au poëte de Paros, nuisit sans doute à la durée de ses vers. Nous voyons l’empereur Julien, dans sa défense et sa réforme du polythéisme, interdire la lecture d’Archiloque, dont il admire d’ailleurs la force d’âme à lutter, en se servant « de la poésie, dit-il, pour alléger, par l’opprobre jeté sur ses ennemis, les maux que lui faisait le sort. » L’esprit chrétien fut encore plus sévère au poëte impur et diffamateur. Et entre ces deux blâmes, les monuments de génie d’Archiloque, suspects et peu reproduits, se perdirent dans le passage de l’ancien monde à la renaissance.