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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

de cette puissance d’imagination et de mélodie, qui, des lieux où naquirent les chants homériques, circulait vers Thèbes et vers Athènes. Le soin même d’Hérodote[1] à noter avec détail ce souvenir d’Arion, à quelque distance de l’admirable récit de l’invasion des Perses, témoigne de la grande place que la poésie occupait dès lors dans la vie des Grecs.

Les âges suivants ajoutèrent des fictions à ce souvenir. On parla d’une statue votive consacrée par Arion dans le temple de Saturne, sur le promontoire de Ténare. On forgea des vers antiques sous le nom du musicien de Lesbos, comme sous le nom d’Orphée de Thrace. Pausanias[2], si studieux explorateur de la Grèce, au temps des Antonins, a décrit, sans exprimer de doute, le monument d’Arion, du moins fort ancien, s’il n’était vrai ; et, dans le siècle suivant, un polygraphe assez judicieux, Élien, citait une ode de ce poëte fabuleux sur la merveille de son sauvetage inespéré. On sait combien ces fabrications antidatées, que la science moderne même ne prévient pas parmi nous, étaient communes dans les derniers âges du monde grec et romain. Alors même elles ont cependant une antiquité relative et une valeur poétique dont il ne faut pas faire dédain. Tel est cet hymne d’actions de grâces que le chantre Arion, sauvé des flots par un dauphin, aurait adressé au dieu Neptune :

  1. Herod., l. I, c. 34.
  2. Pausan. Lacon., c. XXV.