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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

vait amener, sous les mètres nombreux et souples de la muse éolienne.

Ailleurs, Alcée innovait encore dans l’histoire d’un autre dieu, de l’Amour, ce premier-né du Chaos, selon la tradition d’Hésiode. Alcée le faisait naître de Zéphire et d’Iris ; et d’autres gracieux détails animaient cette généalogie peu connue. Enfin, traitant les dieux comme les hommes, Alcée, dans un autre hymne à Mercure, tel que celui peut-être où s’égaye Horace, avait raconté, d’après Homère, les tromperies les plus piquantes du dieu.

Quelle que fut la faible orthodoxie d’un tel écrivain et le peu de respect attaché à sa vie d’audace et de licence, son nom garda le rang le plus élevé dans la tradition littéraire de la Grèce. Les critiques alexandrins, Aristophane, Aristarque[1], en firent un de leurs sujets favoris d’étude ; et, comme il arrive au génie, ses hardiesses originales, ses brusques fantaisies, devinrent des beautés classiques servilement imitées. Son nom même consacra un des mètres les plus heureux de la poésie lyrique, dans la langue du peuple nouveau qui domptait et imitait les Grecs.

Nul doute, comme nous le voyons par Horace, que l’influence de cette vieille et libre poésie ne se soit mêlée à l’art alexandrin, dans les premières leçons d’élégance grecque et de poésie qu’un Lucrèce, un

  1. Hephæstion, ed. Gaisford, p. 134. Villoison. ad Homer. proleg. 59.