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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

saire dans Rome, en mutilant, pour lancer quelques traits de plus, les frises des temples et les statues des dieux.

Mais, avant ce changement du monde, lorsque le paganisme régnait dans la paix de l’empire romain, lorsqu’il n’y avait plus ni liberté, ni gloire patriotique, ni grande éloquence, et que la culture de l’esprit n’était plus qu’un amusement de la servitude, un savant critique, Denys d’Halicarnasse, celui qui a tant raisonné sur Thucydide et sur Démosthène, sans comprendre leurs âmes, sauvait au moins pour l’avenir, dans un traité de rhétorique, une ode entière de Sapho à sa déesse favorite.

« Déesse au trône à mille couleurs[1], immortelle Aphrodite, fille insidieuse de Jupiter, je t’en supplie, sainte déesse ! n’accable pas mon âme de tourments et d’ennuis.

Mais viens de ce côté, si jamais tu écoutas ma voix dominée par l’amour, et si, quittant la maison de ton père, tu descendis avec ton char attelé, alors que de beaux cygnes te portaient d’un vol léger, agitant à coups pressés, autour du point noir de la terre, leurs ailes dans le milieu des airs. Bien vite ils arrivaient ; et toi, déesse, souriant de ta bouche divine, tu demandais quel mal j’ai souffert, pourquoi je t’appelle et ce que je veux qui soit fait

  1. Lyric. græc., cur. Boiss., p. 55.

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