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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

bassade à la cour de France, où Fénelon goûtait beaucoup son entretien, et où Boileau a dû le rencontrer quelquefois. Mais, je m’arrête : je voulais indiquer un fait dans l’histoire du goût, et non médire de Boileau qui, dans son domaine, était grand poëte aussi.

Quoi qu’il en soit, l’érudition proprement dite de notre dix-septième siècle ne fut pas non plus fort attentive à la poésie de Pindare. Cette érudition, d’un goût excellent de style dans sa sobriété, était un peu timide dans ses jugements. Quoique très-familière avec l’antiquité, elle n’y portait pas l’investigation méthodique et la pénétrante curiosité de la philologie moderne. L’abbé Massieu et l’abbé Fraguier ne prétendaient pas reconstruire les strophes de Pindare, aussi témérairement que M. Boeck l’a essayé de nos jours ; mais aussi, on doit l’avouer, ils ne les entendaient pas avec la même sagacité, la même précision de sens hellénistique ; ils savaient le grec plus bonnement, plus naïvement : leur science n’avait pas autant pénétré dans la société grecque et n’en connaissait pas aussi bien tous les usages et toutes les formes ; et, d’autre part, leur goût s’alarmait de ces formes étrangères. Ils croyaient avoir besoin d’adoucir ce qui s’éloignait trop de nos idées et de nos mœurs ; ils le voilaient, par discrétion, et le gâtaient un peu par zèle. Ainsi, le savant abbé Massieu, d’une pureté attique dans le langage de sa dissertation, veut-il, devant l’Académie des inscriptions et belles-lettres, représen-