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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

nie se montre dans le choix même de ses sujets. Chantant les plus mémorables guerres et les plus illustres généraux, il soutient sur la lyre tout le poids de l’œuvre épique. Il donne à ses personnages dans l’action et dans le discours toute la dignité qui leur est séante : s’il se modérait, il semblerait fait pour être l’émule le plus rapproché d’Homère. Mais il déborde, il s’égare ; ce qui est un tort sans doute, mais le tort de la puissance[1]. »

Nous apprenons aussi, par quelques témoignages anciens, que ce poëte fut un courageux citoyen. Né en Sicile, de race dorienne, il lutta contre la tyrannie qui, d’Agrigente, s’étendit sur la ville d’Himère, sa patrie. Longtemps après lui, l’âme belliqueuse répandue dans ses vers plaisait au génie d’Alexandre, et ce héros rangeait ses poésies parmi les lectures qui conviennent aux rois.

Stésichore cependant s’était toujours montré peu docile à ce pouvoir suprême, personnifié de son temps, il est vrai, par un odieux oppresseur dont les crimes et le nom semblent fabuleux, tant ils font horreur ! S’il faut en croire Aristote, c’est contre les premières usurpations de Phalaris que Stésichore cherchait à prémunir les habitants d’Himère, en leur contant la fable du Cheval qui veut se venger du cerf, et qui, pour cela, subit sans terme le frein, le cavalier et les éperons.

  1. Quint. Instit. lib. X, c. I.

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