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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

Le style en est simple, mais la poésie nouvelle, même après Homère :

« Les cavales[1] qui m’entraînent se sont élancées aussi loin que le cœur me poussait, puisqu’elles m’ont porté sur la voie glorieuse de la divinité, qui place l’homme éclairé au milieu de tous les mystères. C’était le but de ma course ; c’était là que m’emportaient les intelligents coursiers attelés à mon char. Des vierges dirigeaient la route, les vierges du soleil, quittant les demeures de la nuit pour la lumière, et de la main écartant les voiles de leurs fronts. L’essieu enflammé dans le moyeu jetait un sifflement ; car il était entraîné par le double tourbillon des roues, tandis que les chevaux précipitaient leur course.

Là sont les portes des chemins de la nuit et du jour, roulant entre leur linteau et leur seuil de granit : élevées dans l’éther, elles se ferment par d’immenses battants ; et la Justice laborieuse en garde les doubles clefs. Les vierges, l’ayant interpellée de douces paroles, lui persuadèrent adroitement de retirer des portes sans délai le lourd verrou. Aussitôt emportés les battants laissèrent vide un large espace, en faisant rouler des deux côtés dans les écrous les gonds d’airain in-

  1. "Ἵπποι, ταί με φέρουσιν, ὅσον τ’ ἔπι θυμὸς ἱκάνοι
    πέμπον, ἐπεί μ' ἐς ὁδὸν βῆσαν πολύφημον ἄγουσαι
    Δαίμονος, ἣ κατὰ πάντ’ ἀδαῆ φέρει εἰδότα φῶτα·
    τῆ φερόμην, τῆ γάρ με πολύφραστοι φέρον ἵπποι
    ἅρμα τιταίνουσαι. Κοῦραι δ’ ὁδὸν ἡγεμόνευον,
    Ἡλιάδες κοῦραι, προλιποῦσαι δώματα νυκτός,
    εἰς φάος, ὠσάμεναι κροτάφων ἄπο χερσὶ καλύπτρας.