Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
14
ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

ce gardien de l’enthousiasme lyrique au dix-septième siècle, n’était pas un poëte ; c’était un prêtre, un orateur sacré, Bossuet. Ce rapport a déjà frappé plus d’un lecteur intelligent ; et il est indiqué dans une des meilleures études publiées de nos jours sur Pindare. Mais, on s’est contenté d’appuyer cette ressemblance sur quelques rapprochements d’expression. Il fallait aller plus loin, pour être juste envers le poëte et pour toucher aux sources profondes de l’art. La ressemblance, l’affinité ne tient pas ici à quelques imitations littérales, ou à quelques rencontres accidentelles de langage : elle est plus générale et plus intime. Elle est dans le mouvement inné des deux âmes et dans certaines dispositions d’esprit qui leur sont communes, en dépit de la prodigieuse différence des temps et de tous les renouvellements du monde.

Elle frappe dans l’ensemble, dans les détails, malgré tout ce qui sépare le majestueux évêque français, fils de magistrat, magistrat lui-même, reçu dans la cour et le conseil d’État d’un grand roi, le théologien profond, l’orateur incomparable, dont la voix illustrait les grandes funérailles, et l’harmonieux Trouvère de la Grèce idolâtre, le fils d’un musicien de Béotie, habitant une petite maison de Thèbes, poëte et chanteur, et, à ce titre, hôte bien voulu dans les cités de la Grèce, dans les palais des rois de Syracuse, d’Agrigente, d’Etna, de Cyrène, et souvent aussi, dans la maison et à la table de riches citoyens, dont il célébrait, pour des